Chapitre 1 Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ?
1) Quels sont les facteurs de la croissance économique
a) La mesure de la croissance économique
On mesure le PIB (produit interieur brut), en faisant la somme des valeurs ajoutées crées par l'ensemble des entreprises d'un pays.
Rappelons que la Valeur Ajoutée est la valeur ajoutée aux consommations intermédiaires lors de la production.
C'est la valeur crée par l'entreprise.
Le P.I.B est un indicateur nous permettant d'évaluer la richesse produite par un pays.
Plus cet indicateur est élevé, plus on peut supposer que ces richesses ruissellent, c'est à dire profitent aux différents acteurs économiques.
En 2024, le PIB en Valeur est estimé à 2917,4 Milliards d'€ en Valeur et 2596 milliards en volume. (NB: voir la distinction PIB EN VALEUR / PIB EN VOLUME)
(Le PIB en volume est le PIB en valeur déflaté, c'est à dire dont on a enlevé l'incidence de l'inflation.)
Ajoutons que le P.I.B est un indicateur imparfait qui ne permet pas de mesurer les inégalités, qui ne peut intégrer l'ensemble des richesses crées (travail au noir)
b) Le différents facteurs de la croissance économique
On estime que pour produire, fabriquer, on nécessite 2 facteurs de production, à savoir le travail et le capital.
Le travail , c'est la quantité de travail, il peut s'exprimer en heures travaillées ou en travailleur.
Le capital, ce sont les biens durables qui servent à produire, on parle de machine ou d'outils.
(On peut aussi entendre dans capital les moyens financiers mobilisés pour obtenir les machines , outils etc...)
Ainsi, le travail et le capital, combinés ou non, permettent de produire.
On peut alors faire référence à la fonction de Cobb-Douglas : y=f(K,L)
Ici, la production y est fonction du capital et du travail (L: Labour)
Notons que l'on nomme aussi les facteurs de production les inputs et la production de biens et services les outputs.
Ainsi, l'augmentation des facteurs de production a pour effet d'augmenter la production.
Néanmoins la loi des rendements décroissants stipule qu'à un certain niveau de production, une augmentation supplémentaire de travail ou de capital a de moins en moins d'impacts sur la production.
La loi des rendements décroissants : Citons par exemple un agriculteur, il ne pourra indéfiniment ajouter des travailleurs sur son champ, sous peine de voir le millième agriculteur produire moins que le précédent. Ou encore l'exemple d'une usine automobile qui doublerait ses effectifs, le risque serait la désorganisation dans l'entreprise et donc la baisse de l'inefficacité et donc de la production. Ainsi, il ne suffit pas d'augmenter indéfiniment les facteurs de production pour générer de la croissance.
C'est d'ailleurs ce que stipulait l'économiste Robert Solow, indiquant qu'il demeurait dans le calcul de la croissance, un résidu, que l'on nommera le résidu de Solow. Ce résidu dans la croissance n'aura ni une explication dans l'accroissement du facteur travail ni dans l'accroissement du facteur capital
c) Les sources de l'innovation et du progrès technique
La part non expliquée de l'augmentation de la production est la productivité globale des facteurs, PGF, c'est ce que Solow appelle le résidu.
Pour Solow, la PGF augmente bien grâce au progrès technique, mais il n'explique pas l'origine de ce progrès technique, il est comme "tombé du ciel", il est extérieur au modèle.
Avant d'aller plus loin, rappelons que ce progrès technique est une amélioration des facteurs de production, c'est à dire que les facteurs travail n'ont pas augmenté en quantité (en volume) mais en "qualité", le TRAVAIL et le CAPITAL produisent mieux, ils sont optimisés grâce au progrès technique.
On parle alors de croissance intensive, on produit plus car on a amélioré les facteurs de productions, alors que l'on parle de croissance extensive, lorsque l'on a augmenté la quantité de facteurs.
Pour revenir au progrès technique on considère que le progrès technique est la somme des innovations, ou du moins résulte des innovations. Et l'innovation est l'application d'une invention au processus productif.
On peut considérer que le téléphone portable est une innovation qui a permis une meilleur productivité des travailleurs indépendants, car ils n'avaient plus à faire d'aller-retours au travail pour savoir si on les avait appelé.
c)les sources de l’innovation et du progrès technique
On s’aperçoit que ce « résidu » de Solow, que l’on nomme aussi la PGF (productivité globale des facteurs) est une mesure du progrès technique.
Ainsi, le progrès technique augmente l’efficacité des facteurs Capital et Travail, sans que leur volume augmente.
Le progrès technique est le résultat d’innovations, en d’autres termes, l’addition des innovations devient progrès technique.
(Rappelons que le progrès technique est le progrès des technologies, mais également de l’efficacité de leur usage et de l’organisation du processus de production)
2) Comment expliquer la dynamique de la croissance
a)Un progrès endogène favorisant le caractere cumulatif de la croissance
Des économistes vont proposer l’idée d’une croissance endogène. En effet, Solow ne donne pas d’explication sur l’origine de la PGF et donc du progrès technique, pour lui elle est exogène, elle vient de l’extérieur mais il n’en donne pas d’explications.
Des Économistes vont proposer l’idée d’une croissance endogène, c’est-à-dire qui vient de l’intérieur, en opposition à la croissance exogène.
L’origine de la croissance endogène, viendrait de l’intérieur du pays, par l’accumulation de 4 types de capitaux que l’on accumulerait.
Ces capitaux sont alors porteurs d’externalités positives et la croissance devient alors un phénomène cumulatif. En effet, un pays connaissant une croissance soutenue pourra investir et innover davantage et connaitre une croissance futur élevée.
Capital Public:
Fibre/5G partout, y compris zones rurales → (externalités de réseau, diffusion + rapide des idées).
Transports massifs fiables (RER métropolitains, fret ferroviaire) → (réduction coûts/temps, effets d’agglomération).
Énergie bas-carbone bon marché et stable (réseaux, interconnexions, stockage) → (baisse coût du capital privé, adoption techno).
Infrastructures de recherche ouvertes (grands labos, centres de test, fablabs publics) → (spillovers de R&D).
Capital humain:
Éducation précoce de qualité (maternelle/CP) → (rendements cumulatifs de l’apprentissage).
Apprentissage & alternance alignés avec besoins locaux → (apprentissage par la pratique).
Formation continue (compétences numériques/IA, management, langues) → (accumulation de savoir, PGF).
Attraction de talents (visas, reconnaissance diplômes) → (diversité cognitive, spillovers).
Capital technologique:
Crédit d’impôt R&D & partenariats labos-entreprises → (spillovers technologiques).
Plateformes de transfert techno (SATT, incubateurs, brevets/licences simplifiés) → (diffusion du savoir).
Adoption logicielle avancée (ERP, MES, jumeaux numériques, IA générative) → (rendements croissants du savoir codé).
Normalisation & standards ouverts → (effets de réseau, interopérabilité, baisse des coûts d’entrée).
Gestion des données & qualité (data governance, MDM) → (apprentissage organisationnel).
Capital Physique:
Modernisation des équipements (robots collaboratifs, CNC, impression 3D) → (rendements d’échelle internes).
Rénovation énergétique des usines/bureaux (capex vert + capteurs) → (baisse coûts unitaires, qualité).
Logistique automatisée (AGV, tri automatique, WMS) → (réduction délais, fiabilité).
Capteurs & maintenance prédictive (IoT) → (moins de pannes, courbe d’expérience).
b) le rôle de l’innovation dans la dynamique de la croissance
Pour Joseph Schumpeter, l’innovation est à l’origine des cycles économiques dans la mesure ou les innovations radicales ou majeures peuvent profondément bouleverser l’équilibre économique. Elles déclenchent une seconde série d’innovations qui forment « une grappe d’innovation » et initient un processus de destruction créatrice. Celui-ci rend obsolète certains secteurs de l’économie et se traduit par des réallocations de ressources en faveur du secteur porteur de croissance.
Les innovations sont aujourd’hui les principaux déterminants de la croissance. Cela justifie l’importance de l’investissement en R&D pour favoriser le progrès technique.
c) Les institutions favorisent l’innovation et la croissance économique
On dit des institutions qu’elles favorisent l’innovation et la croissance économique, car elles génèrent un climat favorable à la croissance. Les institutions sont globalement l’action de l’état. Que ce soit le respect de la propriété privé qui favorise l’investissement et l’innovation ( nous pouvons investir, acheter car nous savons que la chose nous appartiendra, si pas de propriété privé, aucun intérêt d’acheter), que ce soit l’éducation et la santé qui permettent un meilleur rendement des travailleurs, ou encore le financement de la recherche, qui génère des externalités positives.
La présence de mauvaises institutions peut alors enfermer le pays dans une croissance faible.
3) A quels obstacles et défis se heurte la croissance ?
A) Progrès et inégalités
Si la croissance économique est généralement perçue comme un moteur de prospérité, elle soulève néanmoins des défis majeurs, en particulier celui de la hausse des inégalités de revenus.
Le progrès technique, censé améliorer la productivité et stimuler la croissance, peut aussi constituer une menace pour certains emplois. En effet, il entraîne une substitution entre le capital et le travail : les machines et les technologies remplacent de nombreuses tâches autrefois réalisées par des travailleurs humains. Cette substitution ne touche cependant pas toutes les catégories de travailleurs de la même manière.
On observe que le progrès technique est souvent biaisé en faveur du travail qualifié. Avec l’essor de la robotisation et de l’intelligence artificielle, les tâches les plus routinières, répétitives et standardisées sont désormais les plus faciles à automatiser. Cela fragilise particulièrement les actifs peu qualifiés ou encore certains métiers des professions intermédiaires, qui voient leurs perspectives d’emploi se réduire.
À l’inverse, les travailleurs hautement qualifiés bénéficient d’une complémentarité avec les nouvelles technologies : leur productivité augmente et leur rémunération progresse. Le marché du travail connaît alors un phénomène de polarisation :
-d’un côté, des emplois très qualifiés et bien rémunérés, renforcés par l’usage des technologies ;
-de l’autre, des emplois peu qualifiés ou routiniers, menacés par la substitution du capital au travail ;
-entre les deux, une fragilisation des professions intermédiaires.
Ainsi, la dynamique de croissance peut s’accompagner d’une accentuation des inégalités de revenus et d’une fragmentation du marché du travail. Le défi pour les sociétés contemporaines est donc de trouver les moyens de réguler cette polarisation, notamment par l’éducation, la formation continue et des politiques publiques favorisant l’inclusion.
b) Limites écologiques de la croisance économique
Si la croissance économique a permis une amélioration globale du niveau de vie et des conditions matérielles, elle s’accompagne également de limites écologiques de plus en plus visibles.
Les externalités négatives de la croissance
La production et la consommation génèrent des externalités négatives, c’est-à-dire des effets indésirables qui ne sont pas pris en compte dans le prix de marché.
Pollution atmosphérique : émissions de particules fines liées aux transports et à l’industrie, responsables de maladies respiratoires.
Réchauffement climatique : hausse des gaz à effet de serre (CO₂, méthane), qui entraîne fonte des glaciers, montée des océans, sécheresses et événements climatiques extrêmes.
Pollution des sols et de l’eau : usage intensif d’engrais et de pesticides en agriculture, qui dégrade les écosystèmes et la biodiversité.
Surexploitation des ressources naturelles : déforestation, épuisement des ressources fossiles, raréfaction de l’eau douce.
Ces externalités montrent que la croissance économique peut aller de pair avec une dégradation de l’environnement si elle n’est pas maîtrisée.
Conséquences sur la santé et la société
Les externalités écologiques ne sont pas seulement environnementales : elles affectent directement les populations.
Santé publique : pollution de l’air responsable de plusieurs millions de décès prématurés par an dans le monde ; augmentation des maladies chroniques (asthme, cancers).
Conditions de vie : canicules, inondations, incendies de forêt perturbent la vie quotidienne, détruisent des habitats et forcent parfois les populations à migrer.
Inégalités : les ménages modestes sont souvent les plus exposés (quartiers pollués, moindre capacité à se protéger des catastrophes naturelles).
Conséquences sur la croissance future
Ces externalités écologiques pèsent aussi sur les perspectives de croissance à long terme :
Baisse de la productivité agricole à cause des sécheresses et de la dégradation des sols.
Coûts croissants liés aux catastrophes naturelles et aux dépenses de santé.
Investissements nécessaires pour réparer les dommages environnementaux (ex. traitement des déchets, dépollution).
Risque de ralentissement économique si les ressources essentielles (eau, énergies fossiles, biodiversité) deviennent trop rares ou trop chères.
c) Croissance soutenable
La courbe de Kuznets environnementale
La courbe de Kuznets environnementale illustre une relation en forme de U inversé entre le revenu par habitant et le niveau de pollution.
Dans un premier temps, au début du développement économique, la pollution augmente fortement.
Cela s’explique par l’industrialisation, le recours massif aux énergies fossiles et l’absence de régulations environnementales.
Puis, à partir d’un certain seuil de richesse, les comportements changent.
Les citoyens exigent une meilleure qualité de vie et de santé, les pouvoirs publics adoptent des normes plus strictes et les entreprises investissent dans des technologies plus propres.
On observe alors une diminution progressive de certaines pollutions locales, comme le dioxyde de soufre ou les particules fines, dans plusieurs pays développés depuis les années 1980. Cependant, cette relation ne s’applique pas automatiquement à tous les types de polluants. Pour les gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique (CO₂, CH₄), la baisse ne dépend pas uniquement du niveau de revenu mais surtout des choix politiques et des innovations technologiques.
2. La soutenabilité faible
L’approche de la soutenabilité faible repose sur l’idée que les différentes formes de capital – naturel, humain, physique et technologique – sont substituables.
Cela signifie que les générations présentes peuvent consommer une partie du capital naturel, comme les ressources fossiles, à condition de transmettre en contrepartie davantage de capital artificiel, humain ou technologique.
Par exemple, la construction d’infrastructures modernes, le développement de nouvelles connaissances scientifiques ou la diffusion de procédés plus efficaces pourraient compenser l’épuisement d’une ressource naturelle. Dans cette perspective, combinée à la courbe de Kuznets, on peut penser qu’à mesure que la richesse augmente, les sociétés sont capables de réduire la pollution et d’améliorer la qualité de l’environnement grâce aux innovations et aux investissements.
Toutefois, cette approche optimiste comporte des limites. Elle suppose que toutes les dégradations environnementales peuvent être compensées, ce qui n’est pas toujours le cas. De plus, les gains d’efficacité peuvent être annulés par un effet rebond (on consomme davantage un bien rendu moins coûteux ou plus performant), ou encore par la délocalisation de la pollution dans les pays émergents.
3. La soutenabilité forte
L’approche de la soutenabilité forte remet en cause cette idée de substituabilité. Elle insiste sur le fait que certains éléments du capital naturel sont irremplaçables et assurent des fonctions vitales pour l’équilibre de la planète : le climat, la biodiversité, les océans, la régulation des cycles de l’air et de l’eau. Leur dégradation peut entraîner des phénomènes irréversibles, comme l’extinction d’espèces, la fonte des calottes glaciaires ou l’acidification des océans.
Dans ce cadre, il ne suffit pas de raisonner en termes de compensation. Il faut définir des seuils écologiques à ne pas franchir et préserver directement le capital naturel essentiel. Ainsi, même si la courbe de Kuznets laisse penser qu’un pays riche peut réduire certaines pollutions, la soutenabilité forte rappelle que certaines pertes ne sont pas récupérables et qu’il est nécessaire de protéger activement l’environnement pour les générations futures.